L’avenir de l’OMC est suspendu aux futures décisions de Donald Trump

Une sortie des Etats-Unis de l’Organisation mondiale du commerce signerait de facto son arrêt de mort.
Roberto Azevêdo est le seul candidat à sa propre succession à la tête de l’Organisation pour quatre ans de plus.

« L’Organisation mondiale du commerce est un désastre. » « Nous allons renégocier ou sortir » de l’OMC. Durant sa campagne, Donald Trump n’a pas ménagé ses flèches contre l’Organisation multilatérale créée en 1994. Son actuel directeur général,le Brésilien Roberto Azevêdo, seul candidat à sa propre succession pour un second mandat de quatre ans effectif à partir de fin août prochain, aura fort à faire pour maintenir à flot un bateau qui tangue de plus en plus.

A l’automne dernier, lors de la victoire du magnat de l’immobilier à la présidentielle américaine, le Brésilien s’était déclaré « prêt à travailler » avec la nouvelle administration qui se profilait. Il n’aura pas la partie facile alors que Donald Trump s’est entouré de conseillers plutôt protectionnistes. Dernier en date, son représentant au commerce, Robert Lighthizer, prône des tactiques agressives pour « changer le système », y compris en contournant les règles de l’OMC. L’avenir des négociations commerciales risque donc d’être chaotique.

« Je ne vois pas d’avancée significative à l’horizon des deux à trois prochaines années », prédit Jean-Marc Siroën, professeur de sciences économiques à l’université Paris Dauphine. Et d’ajouter que « si les Etats-Unis quittent l’OMC, ce sera moins sur une question de droits de douanes qu’à la suite d’une condamnation des Etats-Unis par l’organe de règlement des différends commerciaux ». En 1994, la création de l’OMC n’avait été ratifiée par le Congrès américain qu’au prix de sérieux garde-fous. En particulier, celui des « three strikes » (« trois coups »). Si les Etats-Unis étaient condamnés, de manière injustifiée trois fois par l’OMC, le Congrès pourrait alors se prononcer sur un retrait immédiat des Etats-Unis de l’organisation. « Je ne serai pas surpris que, sous l’administration Trump, cette disposition soit ravivée », explique Jean-Marc Siroën.

En attendant, les Etats-Unis vont probablement utiliser dans un premier temps leur arsenal de mesures antidumping et de clauses de sauvegarde de certains secteurs pour protéger leurs industries et leurs emplois. Des instruments permis, dans une certaine mesure, par les règles de l’OMC. Ce qui déclenchera inévitablement des plaintes devant l’organe de règlement des différends (ORD) de l’organisation par les pays visés par ces mesures de protection commerciale. C’est le scénario le plus probable à court terme.

Un contexte de défiance

Dans un tel contexte de défiance vis-à-vis du libre-échange commercial, il est difficile d’imaginer une percée dans les négociations en cours à l’OMC. Roberto Azevêdo n’aura pas la partie facile alors que se tient, en décembre prochain à Buenos Aires, la onzième conférence des ministres du Commerce de l’organisation. Les augures ne sont guère favorables. Tout au plus, le directeur général pourra-t-il se prévaloir de la ratification en vue de l’accord sur la facilitation des échanges commerciaux conclu en 2014. A ce jour ne manquent plus à l’appel que six pays pour son entrée en vigueur. « Ce n’est pas avec cet accord que les échanges commerciaux vont exploser », ironise un spécialiste du commerce à la Commission européenne. Pour l’heure, l’OMC est dans l’incapacité de produire de nouvelles règles. Et l’élection de Donald Trump n’arrangera en rien les affaires de l’OMC.

Source/// Richard Hiault, Les Echos – le 06/01/2017

Partager